Portrait d'un musicien

Rédigé par Noémie Bailly et Alice Lopez

-Armen-

 La mairie de Vaulx-en-Velin est un gros bloc gris dont l’entrée parait minuscule en comparaison du reste. Les bâtiments alentours renforcent cette impression alors qu’ils rivalisent de taille, le centre Charlie Chaplin est le point central de la place, îlot rond et petit au milieu de ces titans de pierre. Le centre des sports est à quelques pas également, sont regroupés dans un espace restreint les espaces culturels centraux de la ville. C’est devant la mairie que nous devons retrouver notre interlocuteur. Les passages sont fréquents et nous doutons soudain de le trouver parmi les badauds présents. Armen s’est montré discret, nous l’avons contacté sur les réseaux sociaux après que Philippe nous ait donné son contact. Venus d’Arménie en 2009 pour des raisons médicales, il a décidé de rester à Vaulx-en-Velin mais souhaite en partir dans les années qui viennent. Il est actuellement conducteur pour une entreprise de livraison mais ne demande qu’à jouer de la musique dans son groupe qui mélange jazz et musique arménienne.

Enfant d’une famille non musicienne il demande à l’âge de 12 ans à jouer de la batterie et tombe alors dans la musique. Il étudie les percussions en école de musique pendant plusieurs années et entre au conservatoire, l’équivalent des études supérieurs de la musique. Là il découvre en cours et surtout de sa propre initiative, le jazz et ses grandes figures - Ella Fitzgerald, Miles Davis – et décide de l’intégrer à sa pratique. Il passe alors le plus clair de son temps à repiquer, rejouer et travailler des airs de jazz entendus à la radio. Très attaché à son apprentissage musical d’origine il crée en Arménie un jazz-band qui écume les bars et les salles de spectacle avec des influences jazzo-arméniennes. Il suit également les aléas d’un orchestre arménien qui se déplace à l’international pendant un temps.

Aujourd’hui, en France, il a finalement une pratique amateure très engagée – un manager pour son groupe de jazz, des concerts à travers le pays - et échange avec des professeurs de musique du conservatoire. Il compose de nombreux morceaux en plus de toutes ses reprises et interprétations, et explique que le processus créatif se partage entre humeur du jour et attente du public. En cela la transformation de la musique traditionnelle lui parait inexorable et importante. Sa pratique repose sur un mixage entre ses racines arméniennes et son amour pour le jazz, deux musiques rendues puissantes par leur histoire. Quand il parle de la musique arménienne, Armen, évoque l’histoire du pays, de son peuple. Pour lui, pas de doute, si cette musique émeut autant c’est bien par le récit qu’elle porte, messagère d’un génocide qui a inévitablement marqué de nombreuses générations.

« Un jour, après une répétition, je me mets à jouer avec des amis un air arménien. La salle est censée être vide à part nous, il y a un peu de monde dans l’entrée mais bon … C’est plutôt intimiste. On joue un moment en se laissant porter par la musique et d’un coup je me retourne et je vois plein de gens à la porte. La plupart nous écoute et certains pleures, ils sont émus. »

                                                                                                                                  Témoignage Armen

La musique joue un rôle très important dans la vie de ce percussionniste, elle « change une journée » et il ne se voit pas vivre sans. Durant l’entretien il évoque sa pratique du vibraphone principalement, instrument harmonique au sein des percussion, qui fait illusion pour remplacer un piano. Il joue avec quatre baguettes afin de profiter de l’aspect mélodique du vibraphone. Avec son groupe ils sillonnent le pays, armés de leurs seuls instruments, et s’arrêtent dans des bars, des salles diverses dont le centre Charlie Chaplin.

 

Notre entrevue se termine avec la promesse d’une nouvelle rencontre pour avoir l’occasion de l’entendre jouer. Il nous parle longuement de ses futurs concerts et nous invite à venir les écouter. Nous quittons alors le café paisible où nombre d’habitants sont venus passer un moment et partager des nouvelles durant notre entretien.